Alors que Les trois frères, le retour provoque un déferlement de haine chez la critique pas vu depuis Les Bronzés 3 (et que devrait également se manger Les Visiteurs 3, actuellement en production), Pathé sort pour la première fois en Blu-Ray Les trois frères, véritable concentré de l’humour des Inconnus. 19 ans après la sortie salle, le film résiste-t-il à l’épreuve du temps ? Peut-il encore déclencher les fous rires chez un spectateur gavé de Boon, Merad et cie depuis trop longtemps ? Le Splendid, Les Nuls, Les Inconnus, toutes ces troupes constituées de potes souvent rencontrés sur les bancs de l’école ont tenté plus ou moins rapidement le périlleux passage au grand écran. Si Les Bronzés (le Splendid) et La Cité de la peur (Les Nuls) ont acquis leur statut culte voire mythique au fil du temps et de leurs multiples diffusions TV, Les trois frères confirme d’emblée l’amour que porte le public aux Inconnus. En 1995, le public se rue dans les salles et s’approprie quelques tirades passées dans le langage courant (« tu prends ton manteau, on s’en va », « c’est le mimi, c’est le rara, c’est le miracle », « cent patates »…). César de la meilleure première œuvre en 1996, le film n’est pas exempt de défauts : personnages féminins sacrifiés (la mère du petit Michael), réalisation hésitante, dernière partie en forme de road movie plutôt faiblarde, recyclage de sketchs pas loin d’être trop systématique. Pourtant, le film fait mouche régulièrement. La force du trio : leur œil acéré et leur capacité à déceler les travers de notre société. Car la veine sociale a toujours été un moteur des Inconnus, qui, entre un sketch parodiant Fort Boyard, les César ou le club Dorothée, n’aimait rien tant que traiter de la misère sociale, dénoncer le racisme (Les Envahisseurs ou l’outrancier et génial Ushuaia dans ton froc) ou prendre fait et cause pour les déclassés et les laissés pour compte. Cette colère ou du moins ces inquiétudes se retrouvent naturellement dans leur première œuvre. Campan, Bourdon et Légitimus campent avec délice ces trois demi-frères que tout oppose, si ce n’est leurs certitudes et leur mépris de l’autre. Profondément égoïstes, Didier et Pascal rivalisent de bêtise (le premier est gagné par le racisme ordinaire, le second ; pour qui l’argent est une valeur primordiale, ment sur ses revenus et se réfugie dans un snobisme pathétique). Leur salut et leur humanisation passe par leur frère Bernard, le « saltimbanque » dépourvu de cynisme moqué par le beau-père de Didier mais surtout par les galères rencontrées : enfin ils ouvrent les yeux et peuvent se rendre compte que « la société, elle a que des problèmes ». Et si aujourd’hui Les trois frères se regarde avec autant de plaisir, c’est pour beaucoup grâce à cette acuité et ce message d’espoir et d’entraide, au-delà des scènes cultes (le dîner avec les pubards branchouilles, les entourloupes au PMU, la venue de l’huissier, le passage chez le notaire, le dîner avec la belle-famille de Didier…) et de l’alchimie inégalable entre les complices. Et comme, en 2014, les Inconnus, peut-être un poil plus bourgeois, ont quelque peu perdu de leur œil et que la comédie sociale française se fait de plus en plus rare, on peut se replonger avec plaisir dans le film, toujours d’actualité par ailleurs : « la société elle a (toujours) mauvaise haleine ». Blu-Ray : Zero bonus et c’est bien dommage. Les trois frères. Comédie française de et avec Didier Bourdon et Bernard Campan. Avec aussi Pascal Légitimus. Sortie salle le 12 décembre 1995 et Blu-Ray le 05 février 2014. Durée : 01h49. Editeur : Pathé.
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